Rosemary’s Baby : un autre chef d’oeuvre de Roman Polanski

Publié le : 04 juin 202122 mins de lecture

Rosemary’s Baby est probablement l’un des films les plus connus du réalisateur Roman Polanski. Et ce n’est pas seulement à cause de sa qualité cinématographique incontestable et de la terreur qu’il déclenche, mais aussi à cause des mystères qui l’entourent. Ce film a été tourné dans le même bâtiment où, un peu plus de dix ans plus tard, John Lennon aurait été assassiné, où Boris Karloff a vécu et est mort, et seulement un an avant que sa femme Sharon Tate ne soit assassinée. Rosemary’s Baby suscite encore aujourd’hui la terreur et le mystère. Polanski, à son tour, est l’un des réalisateurs les plus controversés de l’histoire, pris dans des questions juridiques, mais avec une production cinématographique presque sans précédent. Un jeune couple, des voisins extraordinairement inhabituels et une des grossesses les plus tragiques sont quelques-uns des éléments du film. Rosemary et son mari sont occupés à trouver un logement et à fonder une famille. Bien que les ambitions de son mari dépassent les attentes de la famille, le jeune couple se retrouve à vivre un enfer moins improbable qu’il n’y paraît. En résumé, Rosemary’s Baby est un long métrage qui nous emmène sur un chemin entre le fantastique et le rationnel, un chemin plein de pièges, de mésaventures et de claustrophobie. Et, bien sûr, c’est l’une des perles parmi les films d’horreur.

L’incertitude, clé de la terreur de Rosemary’s Baby

Le film nous accompagne sur un chemin incertain, prenant la liberté de soulever des doutes chez le spectateur et le laissant sur le fil du rasoir. Une corde qui frise l’agonie, l’asphyxie et même la claustrophobie, mais toujours entourée d’éclairs de rationalité. Et en parlant d’incertitude, déjà au XIXe siècle, Alarcón, l’un des plus grands savants d’Edgar Allan Poe, osait dire que la splendeur de l’écrivain américain résidait précisément « dans le fait d’être rationnel et d’aspirer à être fantastique ». Une affirmation selon laquelle aujourd’hui, quelques siècles plus tard, nous pouvons parfaitement nous adapter au long métrage de Polanski. L’incertitude, le doute et la terreur psychologique sont au cœur de Rosemary’s Baby. Polanski amène le spectateur à douter à la fois de la réalité et de la fiction. Les rêves sont-ils seulement cela ou sont-ils le fruit de la réalité ? Qu’arrive-t-il à Rosemary et à ses voisins ? Le spectateur n’a pas d’autre choix que de s’interroger sur ce qu’il voit à l’écran. Bien que les religions aient joué un rôle clé au milieu du XXe siècle, le film a été une véritable révélation, à la limite du blasphème. Cependant, en plein milieu de l’ère rationnelle et sceptique du XXIe siècle, le téléspectateur finit par se poser les mêmes questions que celles qui lui avaient été posées plusieurs décennies auparavant. Rosemary’s Baby démontre ainsi l’imperméabilité de son essence et révèle une terreur qui, loin d’être lue à la loupe d’une période historique donnée, continue d’effrayer et de déconcerter.

Doute et hésitation

Entre l’impossible et le possible, entre le réel et l’irréel, le doute et l’hésitation sont la véritable clé de la terreur et du suspense du film de Polanski. La façon dont nous dirigeons notre regard, nous faisons prendre un certain point de vue à travers les plans et présentons les personnages à des moments clés n’a rien à voir avec l’époque ou les tendances, mais fait directement appel à la sphère psychologique. En bref, à notre avis, la terreur de l’inconnu et l’incertitude suscitée par le doute. Polanski n’a pas inventé les cultes sataniques, il est plutôt le fruit de notre propre réalité ; il n’invente pas un scénario, mais insère un point de départ connu. Comme s’il partait de la fin d’une comédie romantique, le réalisateur prend un jeune couple idyllique pour les dissoudre, les détruire et même les ridiculiser. Sans oublier le rôle fondamental du public qui donnera un sens à une histoire apparemment fantastique, mais plausible ; et pour cela il finira par douter de tout ce qu’il voit à l’écran.

Rosemary’s Baby, un film damné

Une grande partie du culte – ou de l’admiration – qui entoure le film réside dans les événements étranges qui l’ont accompagné. Comme nous l’avons déjà mentionné, le film a été tourné dans le Dakota Building à New York, initialement construit loin du centre névralgique de la ville. Avec le temps et l’expansion urbaine, il est devenu un bâtiment convoité par des personnes de haut rang et diverses personnalités du monde du cinéma, de la musique ou de la culture de masse. Tout semble indiquer que les scènes de tournage étaient une sorte de suicide. Sa femme a été tragiquement assassinée un an plus tard. Le compositeur de la bande sonore, Krzysztof Komeda, est mort peu après. Le personnage principal du film, John Cassavetes, est également mort peu après le tournage. On ne sait pas encore si Boris Karloff pratiquait ou non le spiritisme lorsqu’il résidait dans l’immeuble, mais quelques années après la fusillade, John Lennon est mort à l’entrée du Dakota, où il résidait. Les mystères infinis rejoignent le perfectionnisme de Polanski, un réalisateur qui n’a pas hésité à impliquer les acteurs dans des situations extrêmes. La protagoniste, Mia Farrow, a dû manger de la viande crue bien qu’elle soit végétarienne et a été contrainte de tourner une scène dans laquelle elle traversait une route qui n’était pas fermée à la circulation. Les véhicules que nous voyons passer à toute vitesse devant elle et freiner pour éviter de l’écraser ne sont pas une fiction cinématographique, mais bien réels. Pendant le tournage, la jeune actrice a également reçu des papiers de divorce de Frank Sinatra, et a dû faire face à plusieurs hostilités sur le plateau. Rosmary’s Baby est maudit non seulement pour les questions qu’il traite, mais aussi pour les mystères et les événements gênants qui ont caractérisé la fusillade.

La terreur la plus pure

Malgré tout, la terreur du film ne réside pas dans les anecdotes et les horreurs qui l’entourent, mais en soi. Il est rare de se retrouver devant un film qui dépasse les époques ou les modes, qui résiste au passage du temps et qui raconte quelque chose d’universel. Rosemary’s Baby nous montre en fait quelque chose d’universel, il utilise le cinéma et ses ressources stylistiques pour créer une atmosphère classrophobe, terrifiante et désespérée. Un résultat choquant et magnifique qui déploie tout l’imaginaire cinématographique, mais qui n’a obtenu qu’un seul Oscar, celui de Ruth Gordon pour son interprétation du rôle de Minnie Castevet. Malgré tous ces changements, Polanski a fait sien le scénario, créant une expérience onirique sans précédent qui interroge la réalité et le fantasme, déconcerte le spectateur et met en scène l’horreur. Sans aucun doute, nous avons affaire à l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps, un film pour lequel l’obsolescence ou l’âge n’ont pas leur place, mais qui fait appel au subconscient, à la sensation presque animale de « l’état d’alerte », comme si quelque chose d’exceptionnel se produisait en regardant le film.

John Carpenter

John Carpenter est un réalisateur, scénariste, producteur et compositeur américain né le 16 janvier 1948 à Carthage, dans l’État de New York. Fort d’une carrière cinématographique s’étalant sur près de quarante ans, Carpenter a réalisé nombre de film d’horreur et de science-fiction qui ont acquis, au fil des ans, une renommée internationale. Réalisateur indépendant, il met en scène son premier long-métrage, Dark Star, alors qu’il n’a que 25 ans. Il signe deux ans plus tard un film d’action, Assaut, avant de se tourner vers un autre registre avec Halloween, la nuit des masques : l’horreur. Un genre qui deviendra vite son genre de prédilection. Halloween rencontre un formidable succès, aussi bien critique que commercial. Dès lors, la carrière de Carpenter est lancée, et les productions se succèdent, Hollywood lui ouvrant par ailleurs ses portes grâce à son nouveau statut de réalisateur rentable.

Fortement influencé par le cinéma, notamment par Howard Hawks et les films de science-fiction, John Carpenter est un réalisateur qui cherche à être invisible. Ses films se caractérisent ainsi par une réalisation et des scénarios dépouillés, des montages secs et sans artifices, une musique minimaliste. Metteur en scène polyvalent, Carpenter a d’ailleurs cumulé les fonctions les plus importantes sur la plupart d’entre eux : réalisateur, scénariste, compositeur. Au fil de sa carrière, il a progressivement imposé son style dans les registres de l’épouvante et de la science-fiction, au point d’être considéré comme le maître de l’horreur.

Aujourd’hui, nombre de ses films sont devenus des références du cinéma d’horreur et de science-fiction, notamment « New York, The Thing, Invasion Los Angeles ou encore L’Antre de la folie ». Si tous n’ont pas reçu un accueil critique favorable au moment de leur sortie, un grand nombre sont désormais considérés comme des films culte, Carpenter étant lui-même reconnu comme l’un des metteurs en scène les plus talentueux et les plus influents de son époque.

Halloween, succès commercial et critique

 

Halloween, un succès mondial qui a lancé la carrière de Carpenter. Quelque temps avant la réalisation du téléfilm, John Carpenter et Debra Hill se rendent ensemble au Festival du film de Londres pour assister à la projection de Assaut. Ils y font la connaissance des producteurs Moustapha Akkad et Irwin Yablans. Le second sollicite Carpenter pour réaliser un film d’horreur mettant en scène un psychopathe persécutant des gardiennes d’enfant. Enthousiasmé par le synopsis, le cinéaste accepte le projet, puis il entame l’écriture d’un scénario intitulé The Babysitter Murders avec Debra Hill. Plus tard, Carpenter déclarera avoir été inspiré par le film Psychose d’Alfred Hitchcock. Carpenter rebaptise ce dernier Halloween après une suggestion de Yablans, lequel souhaitait que l’action se déroule la nuit du 31 octobre. Cette fois, si le cinéaste fait appel à une actrice encore inconnue pour interpréter le rôle principal, Jamie Lee Curtisn, il compte pour la première fois dans ses rangs un acteur de renommée : Donald Pleasance, notamment connu pour ses rôles dans La Grande évasion et On ne vit que deux fois.

Réalisé, comme Assaut, en une vingtaine de jours, le troisième long-métrage de Carpenter sort aux États-Unis en octobre, dans le cadre du Festival international du film de Chicago. Si, au départ, la presse américaine ne semble pas convaincue, Halloween obtient d’excellents résultats au box-office. Petit à petit, les critiques commencent également à lui témoigner de l’intérêt, halloween devenant par ailleurs le film indépendant le plus rentable jamais réalisé. En France, John Carpenter obtient en le prix de la critique au Festival d’Avoriaz, alors que le film remporte la Licorne d’or au Festival international de Paris. Il est également nommé au Saturn Award du meilleur film d’horreur. Le thème musical principal d’Halloween est certainement le plus célèbre composé par Carpenter. Il est basé sur une rythmique (cinq temps dans une mesure) que le père du cinéaste lui avait apprise au piano quand il était enfant Il l’a rejouée en y ajoutant différents effets sonores.

Sitôt le film sorti en salles, le cinéaste enchaîne avec le tournage d’un film biographique consacré à Elvis Presley, Le Roman d’Elvis, sur un scénario d’Anthony Lawrence. C’est à ce moment qu’il rencontre Kurt Russell, qui joue ici le rôle du King : c’est le début d’une longue amitié et d’une fructueuse collaboration. Lors de sa première diffusion, l’audience du téléfilm est telle qu’elle dépasse celles de Vol au-dessus d’un nid de coucou et d’Autant en emporte le vent, diffusés à la même heure sur des chaînes concurrentes. Le Roman d’Elvis se voit par ailleurs nommé pour trois Emmy Awards et un Golden Globe, ce dernier dans la catégorie meilleur film pour la télévision. Le téléfilm bénéficiera d’une exploitation en salles en Europe, mais avec une durée ramenée à une centaine de minutes au lieu des trois heures du téléfilm d’origine.

Dernières réalisations

Le succès de Vampires encourage Carpenter à poursuivre sa carrière de metteur en scène. Quelques années plus tard, le cinéaste est déjà de retour avec Ghosts of Mars, un film de science-fiction dont l’action se déroule sur Mars. Carpenter, qui n’avait pas situé l’action d’un film ailleurs que sur Terre depuis Dark Star, compose la bande originale et participe à l’écriture du scénario. Sorti aux États-Unis durant l’été, Ghosts of Mars partage fortement la critique et les spectateurs. De surcroît, c’est un échec commercial. Épuisé par le tournage et déçu par le score de son film au box-office, Carpenter déclare qu’il compte quitter Hollywood pour de bon. Après la sortie de Ghosts of Mars, le réalisateur s’accorde donc une longue pause, ne repassant derrière la caméra qu’en pour filmer un épisode de la première saison de la série télévisée Les Maîtres de l’horreur, intitulé La Fin absolue du monde (Cigarette Burns). Présentant des similitudes scénaristiques avec L’Antre de la folie, cet épisode est considéré comme l’un des plus réussis de la série. L’année d’après, il renouvelle l’expérience dans le cadre de la deuxième saison en réalisant l’épisode Piégée à l’intérieur (Pro-Life), qui est beaucoup moins bien accueilli.

John Carpenter ne revient au grand écran que plusieurs années après, soit presque dix ans après la sortie de son dernier long-métrage. Son nouveau film, The Ward, est une production indépendante dont le casting est presque exclusivement féminin, comprenant entre autres Amber Heard. À cette occasion, Carpenter revient à un genre qu’il affectionne particulièrement : l’horreur. The Ward est présenté dans le cadre du Festival international du film de Toronto. Il faut attendre le mois de juillet pour qu’il soit distribué aux États-Unis, alors que certains pays (dont la France) ne sont limités qu’à une sortie en DVD. Même si le retour de Carpenter était attendu de longue date, le film n’est pas bien accueilli par la critique, qui juge The Ward comme étant décevant et loin des « classiques » du cinéaste.

Style

L’œuvre de Howard Hawks a considérablement influencé John Carpenter. Cinéphile dès son plus jeune âge, John Carpenter voue une grande admiration aux films d’épouvante et à la littérature fantastique. Très influencé par le cinéma des années 1950, il estime que la mise en scène doit rester invisible, étant uniquement au service de l’histoire qu’il a choisi de raconter. Ses films se caractérisent ainsi par des scénarios et une réalisation épurés, une musique minimaliste, la recherche constante d’une efficacité absolue de la narration, des montages limpides. Formé à l’art de la série B, Carpenter a réalisé la majeure partie de ses longs-métrages dans le cocon du cinéma indépendant, tournant souvent avec des budgets très minces. Très vite, il s’est distingué en mettant en scène des films d’horreur, de science-fiction et des films fantastiques, y apportant un style très personnel, fondé notamment sur le minimalisme de son travail. John Carpenter se définit comme un metteur en scène qui se fie à son instinct et à ses intuitions. Il s’identifie beaucoup au style d’Howard Hawks, qu’il considère comme son maître à penser. D’après lui, Hawks se reposait entièrement sur ses intuitions, au contraire d’Alfred Hitchcock qui avait pour habitude d’élaborer chaque plan de tournage à l’avance. Carpenter voit ainsi Hitchcock comme un réalisateur glacial, dont les scènes de suspense sont dépourvues de surprise.

Tournage

John Carpenter a tourné un grand nombre de films pour le compte du cinéma indépendant. En raison de ses budgets limités, il a parfois dû composer avec des délais serrés et réaliser des séquences dans des conditions très difficiles. Les prises de vues pour Assaut et Halloween ont ainsi été réalisées en seulement une vingtaine de jours, alors que celles de Fog, de New York et de Prince des ténèbres ont été bouclées en seulement quelques semaines. Durant la production d’Assaut, Carpenter a même été contraint à un moment donné de tourner non-stop pendant vingt quatre heures de suite en raison de ses contraintes budgétaires. Il avoue toutefois que l’expérience la plus éprouvante reste le tournage du téléfilm Le Roman d’Elvis. Budget oblige, la chaîne finançant le projet a imposé à Carpenter de mettre en boîte trois heures de film en trente jours, avec quatre vingt lieux de tournage différents.

Même si les petits budgets l’ont parfois obligé à élaborer à l’avance ses plans de tournage, Carpenter prend la majeure partie du temps ses décisions sur le vif, de manière instinctive. Du coup, il refuse de passer par l’étape du storyboard avant de tourner une séquence. L’une des seules exceptions reste la scène du marchand de glace dans Assaut : Carpenter en a dessiné lui-même tous les plans en amont du tournage. Concernant les répétitions avec les acteurs, le cinéaste y consacre tout au plus deux semaines. Carpenter apprécie de travailler en studio, car tout peut y être contrôlé. Cependant, il estime que les tournages en extérieur « apportent quelque chose d’autre au jeu des acteurs » et aux scènes. Carpenter a réalisé la plupart de ses films en décors naturels. Assaut, Christine, Prince des ténèbres et Invasion Los Angeles ont été tournés presque exclusivement dans la ville de Los Angeles et dans sa proche banlieue. Vampires a été tourné au Nouveau-Mexique et L’Antre de la folie dans la région de l’Ontario, au Canada. Pour The Thing, une partie des séquences a été réalisée en studio tandis que d’autres ont été tournées en Colombie-Britannique.

Polyvalence

Tout au long de sa carrière, John Carpenter s’est battu pour obtenir le contrôle artistique de ses films, le fameux final cut. Cela a été rendu possible grâce à sa collaboration avec le cinéma indépendant, qui accorde généralement une certaine liberté aux réalisateurs étant donné que les budgets alloués sont nettement plus faibles que ceux accordés par les grandes sociétés de production. Ce désir de contrôle induit que, sur le plan créatif, John Carpenter est un réalisateur « touche à tout ». Il a cumulé les fonctions les plus importantes sur quasiment tous ses films : metteur en scène, scénariste, acteur, compositeur et producteur. Sur Assaut, il a même assuré le montage. The Ward reste le seul film sur lequel Carpenter n’a pas officié à un autre poste que celui de réalisateur.

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