Un coeur simple, Flaubert

Publié le : 29 mars 20236 mins de lecture

Ce conte de Flaubert nous montre l’aliénation de Félicité, servante dont le nom en dit déjà beaucoup. Cette femme est un cœur simple, mène une vie simple mais dans une sorte de sainteté. Cette aliénation de Félicité est d’abord un dévouement sans limite puisque Félicité est la générosité par excellence. Domestique de Mme Aubain, elle accepte chaque besogne et ne s’en plaint jamais. Elle ressent une tendresse particulière à l’égard des deux enfants de sa maîtresse, Paul et Virginie. Ce personnage-automate qu’est Félicité traduit le besoin qu’a un cœur simple de se donner aux autres pour se sentir exister. Mais peu à peu, la solitude se fait de plus en plus grande pour Félicité. Elle perd son neveu Victor, Virginie et un vieillard qu’elle soignait. Face à tant de malheurs et face à un vide de plus en plus tangible, l’arrivée de Loulou, un perroquet, apparaît comme un secours pour la servante. En raison de son esprit mystique, Félicité compare Loulou au Saint-Esprit.  Mais Loulou finit lui aussi par mourir et Mme Aubain finit par quitter la maison. C’est la solitude extrême et la mort qui s’ensuivent pour Félicité, qui, dans ses dernières minutes d’agonie, voit un « gigantesque perroquet plan[er] au-dessus d’elle. »

La beauté d’un tel conte est intimement liée à son personnage principal. En effet, Félicité est naïve et pathétique. Le style flaubertien, quant à lui, se situe entre l’ironie et la compassion, car comment ne pas ressentir de la pitié pour une femme aussi dévouée qui n’a pas mérité ses malheurs ? Et pourtant, sa naïveté, son esprit mystique la rendent, à plusieurs égards, risible. Comme souvent chez Flaubert, la plume oscille entre illusion et désillusion. Ce conte montre bel et bien la confrontation d’un esprit simple avec la rudesse d’une réalité sans pitié. L’ensemble de l’existence de Félicité peut alors se lire sous l’angle de l’échec, comme nous le montre par exemple la rencontre ratée avec Victor avant qu’il ne parte à La Havane. Le mélange entre mysticisme et prosaïsme, dans ce monde des domestiques, rend l’oeuvre d’autant plus singulière et puissante. Un cœur simple, inscrit dans le triptyque des Trois contes que nous offre Flaubert, est vraiment proche de ses plus grands romans.

Quelques citations

« Elle avait eu, comme une autre, son histoire d’amour. Son père, un maçon, s’était tué en tombant d’un échafaudage. Puis sa mère mourut, ses sœurs se dispersèrent, un fermier la recueillit, et l’employa toute petite à garder les vaches de la campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait à plat ventre l’eau des mares, à propos de rien était battue, et finalement fut chassée pour un vol de trente sols, qu’elle n’avait pas commis. Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades la jalousaient. »

« Pendant deux nuits, Félicité ne quitta pas la morte. Elle répétait les mêmes prières, jetait de l’eau bénite sur les draps, revenait s’asseoir, et la contemplait. A la fin de la première veille, elle remarqua que la figure avait jauni, les lèvres bleuirent, le nez se pinçait, les yeux s’enfonçaient. Elle les baisa plusieurs fois ; et n’eût pas éprouvé un immense étonnement si Virginie les eût rouverts ; pour de pareilles âmes le surnaturel est tout simple. »

« Il s’appelait Loulou. Son corps était vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu, et sa gorge dorée. Mais il avait la fatigante manie de mordre son  bâton, s’arrachait les plumes, éparpillait ses ordures, répandait l’eau de sa baignoire ; Mme Aubain, qu’il ennuyait, le donna pour toujours à Félicité. Elle entreprit de l’instruire ; bientôt il répéta : « Charmant garçon ! Serviteur, monsieur ! Je vous salue, Marie ! » Il était placé auprès de la porte, et plusieurs s’étonnaient qu’il ne répondît pas au nom de Jacquot, puisque tous les perroquets s’appellent Jacquot. On le comparait à une dinde, à une bûche : autant de coups de poignard pour Félicité ! »

Bio rapide et liens

Gustave Flaubert, né en 1821 et mort en 1880, est l’une des grandes figures du Réalisme français. Observateur méthodique de la société, Flaubert est également un travailleur acharné et un esthète à la quête du Beau.
Ses plus grandes œuvres sont Madame Bovary et L’Éducation Sentimentale où l’ironie vient trancher avec les restes de romantisme que peuvent représenter les personnages principaux.

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