Qu’est-ce que le mouvement littéraire du naturalisme ?

Publié le : 04 juin 20219 mins de lecture

Le naturalisme s’est imposé au plus fort de l’ère industrielle, dans la patrie française du déterminisme philosophique d’Hippolyte Taine, au plus fort d’un intérêt croissant pour la philosophie, la science, sous ses formes médicales, psychologiques et sociologiques les plus variées. Les intellectuels sont devenus les promoteurs de la cause sociale et de l’investigation de tous les aspects contradictoires inhérents à la dynamique sociale, dénudant les failles de l’hypocrisie bourgeoise par l’utilisation d’un système narratif objectif, complètement détaché du récit à la troisième personne, typiquement romantique, et assumé dans la formule du roman expérimental.

Littérature

Les représentants du naturalisme étaient nombreux, parmi les personnages et les naturalistes plus célèbres : Honoré de Balzac (1799 – 1850), auteur du roman « La comédie humaine » (1840), Gustave Flaubert (1821 – 1880), connu pour sa célèbre théorie de l’impersonnalité, romancier et auteur du célèbre roman « Madame Bovary » (1856), Émile Zola (1840 – 1902), créateur de « La Confession de Claude » (1865) et, enfin, les frères Goncourt, créateurs de « Les deux vies de la Germinie Lacerteux » (1865).

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Le naturalisme français

La mécanique de la pensée du XIXe siècle a distingué, dans la multiplicité de ses manifestations, le siècle de l’intuition positiviste, de la vigueur intellectualiste des éminentes académies européennes, du tintement retentissant des rouages industriels huilés par le capitalisme et l’intempérance prolétarienne. Dans la satisfaction de la proposition naturaliste vivace, la littérature du XIXe siècle a connaturé en elle-même l’humus approprié pour la prolifération des instincts scientifiques, dans de nombreux cas sanglants, d’une société vouée au culte de l’investigation sociale, naturelle et psychologique, dans cette alchimie sacrée caractérisée par la greffe de l’empirisme scientifique dans la pathétique mission humanitaire : le romancier ou l’écrivain est sociologue, contestataire, intellectuel engagé, il s’inspire d’une philosophie, il conçoit la vérité, pas nécessairement inhérente au bonheur, par l’achèvement d’une analyse minutieusement curieuse et volontairement dissimulatrice des superstructures illusoires qui obscurcissent et limitent la révélation de la « tangibilité universelle ».

Le fruit de l’ostentation romantique, intériorisé avec passion et esprit langoureux, a servi d’adversaire à l’émergence d’une mentalité savante, spéculative de toute lueur humaine, captivée par « l’engrenage anthropique », résultat d’un misérable enchaînement de réponses naturelles, donc calculables et tristement prévisibles ; la psyché humaine a perdu, dans la considération naturaliste, la fascination de l’indéchiffrabilité, révérant l’influence disciplinée du déterminisme philosophique du savant, philosophe et critique littéraire français Hippolyte Taine (1838 – 1893) :

Dans la vision gagnée par le déterminisme de Taine au XIXe siècle, le cœur battant de l’ère industrialisée est né de la plume des plus grands écrivains de l’époque, proposant en mots et en couvertures élégantes les titres de romans empreints de sentiments mesquins et d’amour pathologique, dans le ferment nébuleux de décors infectés par les vapeurs industrielles et les motions de vengeance populaire.

L’écriture s’est armée d’un vibrant esprit critique, inviolé, dépourvu de stratagèmes et imaginant des échappatoires, empoisonnant d’encre les eaux étanches de l’hypocrisie bourgeoise, elle a utilisé l’inclémence de l’observation impressionniste, vivante dans la « Ville des noctambules », pour transfigurer le langage communicatif de la peinture de Monet en un code littéraire pareillement nourri par la participation à la solution des « dérapages atomiques » (DE MICHELI).

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Naturalisme et peinture

L’écrivain français Jules Amédée Barbey d’Aurevilly, auteur du recueil de nouvelles « Les Diaboliques », dans un article du « Ventre de Paris » publié dans « Le Costitutionnel » le 15 juillet 1853, attribue à Zola le titre de « rapin », de « Monet littéraire ».

La citation littéraire de l’œuvre picturale, l’interpénétration de la couleur et de la lumière entre les espaces et les séquences de lettres encrées, confèrent au roman le caractère noble de l' »empâtement pittoresque », un hommage à l’art pictural de Renoir et des plus célèbres maîtres de l’école impressionniste : De la beauté des Halles sous la pluie, avec un « épure lavée à l’encre de Chine », au personnage de Claire « sainte de vitrail » et « Vierge de Murillo », en passant par le personnage blond de Marjolin, « doré comme un Rubens » du roman « Le ventre de Paris » (1873), le charme de la Ville Lumière émerge, la grisaille des jours de pluie ou la blancheur et la douceur des rayons du soleil filtrés par le feuillage des arbres du boulevard Bourdon, où :

Des sentiments, déclinés en états d’esprit névrotiques et romantiques, sont placés sur des corps peints, sur des visages qui, au cours de la lecture, se composent dans l’esprit dans les formes et le rugissement du « Bal au Moulin de la Galette » de Renoir, où parmi les visages joyeux de la jeunesse parisienne semble émerger la beauté adultère d’Emma Bovary, dont « les lèvres sobres ont fait taire les orages », « pleine de luxure, de colère, de haine », vêtue d' »une robe droite capable de cacher un cœur affolé » (« Madame Bovary », Flaubert).

Caractéristiques littéraires

La réverbération des troubles civils s’est orientée, dans le domaine de la pratique littéraire, vers de nouvelles méthodes descriptives et expressives : le but admoniatoire, le temps de la dénonciation, la mission même de l’écrivain innée dans le rôle du scientifique, ont conduit à un choix de récit en aucun cas omniscient, comme dans le personnage de l’écrivain romantique, mais strictement tourné vers l’extranéité, ou bien le récit libre de sentimentalité et de passions débridées a influencé l’issue de l’histoire.

Le ruisseau contextuel saupoudrait de récits prolétariens la vaste banque de littérature dont Guy de Maupassant était l’auteur, père de l’invention littéraire du fou provincial Georges Duroy, protagoniste du roman « Bel Ami » (1885), et Jeanne, fille unique du baron Simone-Jacques Le Perthuis et de sa femme Adélaïde, la jeune aristocrate de « Une vie » (1883), premier roman du père du conte moderne.

L’inspiration naturaliste, comme conséquence littéraire claire de l’intuition positiviste, a utilisé pour la première fois la scientificité de l’art, transformant les chefs-d’œuvre littéraires en essais empiriques, en manuels dans lesquels on peut puiser les lois pour comprendre la nature humaine dans ses instincts les plus bas, dans sa prévisibilité animaliste. L’enthousiasme progressif n’a pas empêché l’opposition de nombreux intellectuels, réticents à la scientificité de l’art littéraire, à la perspective subversive de la poésie narrative, à la positivité du sentiment artistique et à son pouvoir potentiel de manipulation du lecteur. Le naturalisme est une passion vile et démolissante, la haine, le ressentiment, la peur et les intentions meurtries, qui profanent toute source de noble inspiration. La même veine a donné à l’autre très grave défaut de peindre la déformation et d’exalter la corruption à l’héroïsme, en jetant dans le cœur des pervers une vertu héroïque, l’audace d’un courage extraordinaire, et en offrant des types de celle-ci à la sympathie et à l’admiration des lecteurs.

La référence de Ghindemi dans sa lettre à M. Girolamo Ardizzone (« Sulle condizioni presenti della poesia in Italia – Lettre du professeur Salvatore Ghindemi à M. Girolamo Ardizzone »), conclut la dure critique à la croisée d’une poétique italienne fortement influencée et conséquence directe de ce naturalisme français qui avait pris la bannière de la scientificité pour s’exprimer dans le nouveau rôle de l’art social, d’une littérature indigeste pour la classe bourgeoise, dont le romancier ou l’écrivain naturaliste ridiculise assidûment chaque aspect aux conséquences extrêmes.

Le naturalisme en bref

Le naturalisme est une doctrine relative à la philosophie et le réalisme, un courant et un mouvement littéraire (artistique et culturel), qui interprète les aspects de la vie dans une clé scientifique et biologique, en prenant la nature comme modèle à respecter et à reproduire. Né en France dans la seconde moitié du XIXe siècle, le naturalisme – et l’artiste naturaliste – doit reproduire la réalité avec la plus grande fidélité. C’est en fait le reflet dans la sphère littéraire de l’influence de la diffusion générale de la pensée scientifique à cette époque, qui fonde la connaissance sur l’observation, l’expérimentation et la vérification.

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