La liberté de la presse après le fascisme

Publié le : 04 juin 202118 mins de lecture

La presse après le fascisme, ainsi que la liberté de la presse, a vécu une période de ce que l’on pourrait appeler la mise à l’épreuve. La presse et les médias ont commencé à dépendre du gouvernement militaire allié, qui agissait par l’intermédiaire du PWB ou Psycological Walfare Branch.

L’histoire du fascisme italien

Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d’un idéal collectif suprême. Mouvement révolutionnaire, il s’oppose frontalement à la démocratie parlementaire et au libéralisme traditionnel, et remet en cause l’individualisme codifié par la pensée philosophique des Lumières. Issu de diverses composantes de la philosophie européenne du XIXe siècle, le fascisme a trouvé dans les circonstances économiques et historiques de l’après-première guerre mondiale le contexte qui lui a permis d’accéder au pouvoir, d’abord en Italie dans les années 1920 avec Mussolini, puis sous une variante accentuée, militariste, en Allemagne dans les années 1930 avec le nazisme et Hitler. Le terme fascisme s’applique au sens strict à la période mussolinienne de l’histoire italienne et au sens large à un système politique aux caractéristiques inspirées par l’exemple italien mais qui a pu prendre des aspects différents selon les pays. Des débats existent entre les historiens quant à la qualification de certains régimes. La différence entre fascisme et totalitarisme fait l’objet de nombreux débats. Opposé à l’individualisme et repoussant l’idéologie démocratique au nom de la masse incarnée dans un chef providentiel, le fascisme embrigade les groupes sociaux et justifie la violence d’État menée contre les opposants assimilés à des ennemis intérieurs, l’unité de la nation devant dépasser et résoudre les antagonismes des classes sociales dans un parti unique. Dans le domaine économique, l’état conduit une politique dirigiste mais maintient le système économique et les activités professionnelles. En même temps, le fascisme rejette la notion d’égalité au nom d’un ordre hiérarchique naturel : il définit un « homme nouveau », un idéal de pureté nationale et raciale qui nourrit en particulier l’antisémitisme, l’homophobie, l’exclusion des personnes atteintes d’un handicap et exalte les corps régénérés ainsi que les vertus de la terre, du sang et de la tradition, tout comme il affirme une hiérarchie entre les peuples forts et les peuples faibles qui doivent être soumis. De façon générale, le fascisme exalte la force et s’appuie sur les valeurs traditionnelles de la masculinité, reléguant les femmes dans leur rôle maternel. Il célèbre dans cet esprit les vertus guerrières en développant une esthétique héroïque et grandiose. Révélateur d’une crise de la modernité et luttant contre le sentiment de décadence de la civilisation, le fascisme s’appuie aussi sur une vision idéalisée du passé et sur l’émotion collective qu’il met en scène dans la théâtralité dynamique d’une religion civile et suscite ainsi une fascination idéologique et esthétique avérée. Dans son acception la plus large, le terme est employé pour disqualifier l’ennemi politique, par exemple par les Soviétiques durant la guerre froide ou par certains partis politiques dans les démocraties libérales. Par ailleurs, le fascisme est encore revendiqué par certaines mouvances d’extrême droite comme le parti italien « Maison de livre » dont les membres aiment se faire appeler fascistes du troisième millénaire.

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Histoire

Pendant la période qui suit le congrès de Vienne, la monarchie contrôle activement la presse sur le territoire italien. Dans les capitales des nombreux petits États et dans les centres urbains plus importants, en général ne sortait qu’une feuille officielle de la monarchie, généralement intitulé gazette, qui servait à publier les lois ainsi qu’une chronique soigneusement choisie. À côté de ces publications officielles, on trouvait des périodiques littéraires et culturels, où pouvaient s’exprimer de nouvelles idées. La situation de la presse en Italie commence à changer avec la naissance de nombreuses feuilles clandestines, imprimées par des loges de Carbonari et par des mouvements révolutionnaires souterrains, qui conduiront aux mouvements insurrectionnels. Dans la même période, il y a également une activité journalistique dans les milieux libéraux italiens.

Royaume d’Italie

Les principes juridiques fondant la liberté de presse dans le Royaume d’Italie figurent dans le statut albertin, loi fondamentale de l’Italie unitaire. Promulgué par Charles-Albert ce statut est influencé par l’idée de despotisme éclairé issue du siècle des Lumières. L’article 28 du statut concerne explicitement la liberté de presse. Elle prévoit que la presse est libre, mais que la loi peut en réprimer les abus. La loi en question, du 26 mars de la même année, est connu sous le nom d’édit albertin sur la presse. Sont réprimées les atteintes à la religion et aux bonnes mœurs, les offenses au Roi, aux membres du Sénat et de la Chambre, aux chefs d’État étrangers et aux membres du corps diplomatique, la diffamation et les injures publiques. La loi prévoit un droit de réponse des personnes citées dans les articles, et d’obligation de publier les communiqués provenant de l’État. La première loi qui institue une intervention de censure est la loi relative aux projections cinématographiques. Cette loi interdit la représentation de spectacle obscènes, impressionnants, contraires à la décence, à la respectabilité, à l’ordre public, au prestige des institutions et des autorités. Le décret qui suit dresse la liste d’une longue série d’interdictions et transfère le pouvoir d’intervention des autorités locales de police au ministère de l’Intérieur. Un décret institue une commission, qui est entre autres chargée d’examiner préventivement les dialogues du film avant le début du tournage.

Époque fasciste

La censure, pendant les vingt années de dictature fasciste a limité la liberté de la presse et de radiodiffusion et la liberté d’expression. Elle n’a toutefois pas été créée par le régime fasciste et n’a pas pris fin avec celui-ci. Elle faisait partie d’un dispositif de propagande et de surveillance qui cherchait à contrôler l’image publique du régime et à s’informer sur l’opinion publique. En parallèle, des archives nationales et locales fichaient chaque citoyen en notant ses idées, ses habitudes, ses amitiés et ses relations sexuelles.

La censure fasciste combattait tout contenu idéologique contraire au fascisme ou défaitiste. Le ministère de la Culture populaire assurait cette censure. Il était compétent sur les journaux, la radio, la littérature, le théâtre, le cinéma et toute autre forme de communication ou d’art. La distribution de livres d’idéologie marxiste a été interdite. On a brûlé des livres : livres sur la culture juive, la franc-maçonnerie, le communisme. La police politique fasciste inspectait les bibliothèques.

De l’après-guerre à nos jours

Lors de l’élaboration de la Constitution italienne, une large majorité des constituants avait conçu la liberté de la presse comme un des fondements du nouvel État démocratique. Dans l’article 21 de la constitution de la République italienne, les seules réserves concernent les bonnes mœurs. Néanmoins, cet article a été interprété ensuite de façon restrictive comme la liberté de produire, sans censure préventive, des textes imprimés ; en ont été exclus les émissions radiophoniques et télévisées et le cinéma. Par ailleurs, des journalistes sont condamnés pour diffamation. C’est le cas par exemple de Giovannino Guareschi, condamné à huit mois de prison avec sursis en tant que directeur de la publication, pour avoir publié une vignette où le chef de l’État, Luigi Einaudi, permettait que sa charge de sénateur figure sur des bouteilles de vin de sa production. Le cinéma est soumis à la loi sur la révision des films et des travaux de théâtre qui confirme le système de censure préventive avant projection ou exportation à l’étranger. Les commissions de censure sont appelées « commissions de révision cinématographique ».

La naissance de la radio

En ce qui concerne la radio, les parties ont toutes convenu de la création d’un organisme public monopolistique : la Rai a été fondée en 1944. Un autre problème était celui de l’existence d’une agence de presse nationale ; avec le consentement des alliés, les éditeurs des journaux, y compris ceux du parti.

Situation actuelle

La censure est active en Italie. Elle n’est pas toujours l’effet d’une décision officielle, il y a en effet beaucoup d’auto-censure de la part des auteurs ou des diffuseurs, éditeurs, maisons de disque, chaînes de radio ou de télévision Ainsi, en musique, le morceau d’un prêtre critique sur l’influence de l’Église catholique sur les personnes, est retirée par la maison de disque. À la télévision, la chaîne Rai 2 passe une version du film « Le Secret de Brokeback Mountain » amputée d’une scène de baiser entre deux hommes. La télévision est fortement critiquée pour son manque d’indépendance qui a conduit par le passé à des auto-censures, en particulier en ce qui concerne la couverture des scandales autour de l’ancien président du Conseil. D’une part, la télévision d’État RAI peut être influencée directement par le premier ministre. D’autre part, le groupe privé Mediaset appartient à Silvio Berlusconi. Ainsi, à la fois la RAI et Mediaset ont refusé de diffuser la bande-annonce du film « Videocracy – Basta apparire ». Le groupe Mediaset affirme appliquer la par condicio, c’est-à-dire le principe d’impartialité dans le traitement des sujets politiques, affirmation plusieurs fois contestée. Un exemple de censure officielle est celle du film d’horreur Morituris, interdit pour perversité et sadisme gratuit. Des sites internet peuvent être masqués sur demande de l’autorité judiciaire, de la police postale et des communications via le Centre nationale pour la lutte contre la pédo-pornographie sur Internet, de l’agence des douanes et des monopoles, ou de l’autorité de la concurrence et du marché. On comptait plus de 6 400 sites masqués en Italie. Parmi ces sites, certains proposent du contenu pédophile, d’autres le partage de fichiers aux dépens des droits d’auteur, ou des sites de jeux de hasard qui n’ont pas de licence pour opérer en Italie.

Le contrôle minutieux de l’information

Le contrôle des esprits et la propagande politique se développent de mieux en mieux au fil des années puisque les appareils de censure et la mainmise sur la presse deviennent très efficaces. Ainsi les journalistes sont enrégimentés dans une corporation à laquelle ils accèdent par présentation de la carte du parti ; les journaux d’opposition sont interdits, certains sont publiés de façon clandestines. Quant aux journaux fascistes locaux, ils reçoivent de nombreuses pressions pour qu’ils s’alignent sur le discours officiel émanant du sous-secrétariat puis du ministère de la Culture populaire de Galeazzo Ciano. Les nombreux biographes de Benito Mussolini rappellent très souvent le parcours journalistique du Duce et sa passion pour la presse qu’il continue de lire, d’annoter et de surveiller ; d’après Pierre Milza il aurait lu jusqu’aux bulletins paroissiaux. Une anecdote est révélatrice de cet intérêt pour les journaux. Un article très bref du Messaggero intitulé : célibataires obligés de se rendre à la tribunal de grande instance, Ancône retient son attention. Cet article relate que depuis quelques jours défilent devant le praetor, équivalent approximatif d’un juge de paix, une longue file de personnes handicapées, d’alcooliques et d’indigents. Ils sont convoqués devant la justice parce qu’ils n’ont pas payé un impôt réservé aux hommes célibataires. Ils estiment ne pas avoir les moyens de le payer ou bien qu’ils sont célibataires contre leur volonté pour cause d’alcoolisme, de difformités physiques ou d’handicap. Tous réclament des recours ou des grâces. Le journaliste semble profiter ainsi de cette cour des miracles improvisée pour dénoncer les aberrations de certaines lois fascistes. Une certaine ironie à l’encontre du régime et une sympathie latente pour les contrevenants sont perceptibles dans l’article. La réaction du Duce est immédiate. Une réponse du garde des Sceaux, Alfredo Rocco, ne se fait d’ailleurs pas attendre. Le 2 mars 1930, il envoie une lettre au sous-secrétaire d’État à la Présidence Francesco Giunta pour défendre l’attitude du pretore et minimiser les événements décrits par le journaliste.

La propagande remplace l’information

L’environnement socio-culturel et politique a toujours conditionné le magistrat, de façon consciente ou inconsciente. En outre, le caractère totalitaire du régime fasciste oblige l’historien à accorder une attention particulière à la vie quotidienne du magistrat. Il est pris comme tous les autres Italiens dans les différentes formes de contrôle social et de propagande mises en place par les hiérarques fascistes. Il n’échappe pas au culte de la personnalité de Benito Mussolini, qui prend des proportions considérables au fil des années. Le régime fasciste est l’un des premiers régimes totalitaires, si ce n’est le premier, à reposer en grande partie sur une propagande moderne basée sur une utilisation rationalisée des moyens de communication comme la presse, le cinéma ou les émissions radiodiffusées. Philip Cannistraro montre que l’adhésion des masses à l’idéologie du régime repose sur les grands rassemblements, les discours fleuves du Duce et leur radiodiffusion dans toute la péninsule. La presse est contrôlée et censurée, les journaux d’opposition interdits, et les autres quotidiens occupés par une troupe de fascistes convaincus avant d’être journalistes. Le bureau de presse, dans un premier temps transformé en sous-secrétariat, devient ministère de la Presse et de la Propagande, puis, en 1937, ministère de la Culture populaire, connu également sous le nom de Minculpop. Les magistrats, comme les autres habitants de la péninsule, sont soumis aux défilés récurrents, aux parades de la Milice, à la symbolique fasciste qui s’insinue dans les établissements publics, les tribunaux ; ils doivent également quitter l’hermine et les robes pour des uniformes fascistes.

De plus, les magistrats du Parquet sont des acteurs importants de cette censure et saisissent les quotidiens déviants ou rebelles. Les magistrats eux-mêmes sont directement touchés par la censure. Dans la tradition judiciaire italienne, le discours du procureur général près la Cour d’appel qui marque le début de l’année judiciaire est particulièrement important. Le régime fasciste, dans un premier temps, restreint la divulgation des informations et tente d’organiser ces discours inauguraux. Puis le garde des Sceaux Arrigo Solmi interdit la diffusion des statistiques judiciaires en règle générale et plus précisément lors des discours inauguraux. Le Régime ne tient pas à être contredit sur la répression de la délinquance ou sur le nombre des faillites. Il veut préserver sa propagande des éléments qui pourraient être en contradiction avec sa politique.

Conclusion

Après la première guerre mondiale, de larges pans de la population se sont intéressés à la vie politique et les grands partis de masse ont tenté de profiter à la fois de cet intérêt nouveau et du suffrage universel masculin. Ainsi les journaux, constituant le support le plus approprié pour la diffusion des idées, sont devenus des éléments cruciaux de l’évolution politique et se sont retrouvés au centre d’enjeux considérables. Les magistrats ont toujours eu des rapports ambigus avec la presse, ils doivent préserver le secret de l’instruction mais ils sont souvent amenés à se confier aux journalistes, une manière de se faire remarquer qui peut être intéressante pour leur carrière. Néanmoins, durant la surenchère d’agressions verbales puis physiques commises par les fascistes, les magistrats, supposés faire appliquer les normes concernant l’exercice de la presse, ont failli. Ils ont très souvent pris le parti des fascistes, apeurés qu’ils étaient par le péril rouge. Une fois au pouvoir, le journaliste Benito Mussolini, conscient d’avoir acquis une bonne partie de ses supporters grâce à son quotidien, interdit toute opposition et toute voix discordante.

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